Anévrysmes Cérébraux Familiaux

Définition

L'anévrysme artériel intracrânien est une hernie, en général de la forme d'un petit sac, de la paroi d'une artère cérébrale dont la principale complication est la rupture à l'origine d'une hémorragie méningée.

La maladie est considérée comme « familiale » lorsqu'au moins deux membres d'une même famille présentent un anévrysme artériel intracrânien.

Epidémiologie

Les anévrysmes artériels intracrâniens sont fréquents puisqu'ils seraient présents chez  1 à 2% des sujets dans la population générale (découverte systématique à l'autopsie ou à l'angiographie).  La grande majorité des anévrysmes est de petite taille et 80% d'entre eux ne se rompent pas. L'incidence des hémorragies méningées (nombre de nouveaux cas) varie ainsi entre 5 et 15 cas pour 100.000 habitants par année.

Les formes familiales d'anévrysme artériel intracrânien représenteraient entre 5 et 20% du nombre total des anévrysmes. Cette fréquence pourrait varier en fonction des populations étudiées. Dans la grande majorité des cas familiaux (plus de 80% des cas), le nombre de sujets ayant un anévrysme dans la famille est limité à 2 ou 3 membres de la famille. Au sein des familles, les femmes semblent plus souvent concernées que les hommes (entre 1,2 et 4 fois plus de femmes parmi les sujets ayant un anévrysme).

Présentation clinique

Le plus souvent, le premier cas dans une famille est détecté en raison de la survenue d'une hémorragie méningée (irruption de sang, en raison d'une bréche dans le sac de l'anévrysme, dans l'espace autour du cerveau où circule le liquide céphalo-rachidien).

L'hémorragie méningée est le plus souvent responsable d'un malaise avec :

  • dans la majorité des cas, une céphalée (douleur de la tête) inhabituelle, très brutale (comme un « coup de tonnerre »), extrêmement intense associée à des vomissements et à des douleurs cervicales
  • un coma brutal peut survenir dans un cas sur 3
  • une crise d'épilepsie peut survenir dans 5% des cas
  • un déficit comme une paralysie ou un trouble du langage sont observés lorsque l'hémorragie méningée s'accompagne d'une hémorragie cérébrale (à l'interieur du tissu cérébral)

Dans 5 à 10% des  cas, les signes cliniques sont moins francs : céphalée brutale mais peu intense.

L'hémorragie méningée peut être associée à des signes de compression de certains nerfs au niveau du crâne par le sac anévrysmal, cette paralysie peut s'accompagner d'une diplopie (vue double) en raison de l'atteinte des nerfs responsables de la motricité oculaire (paralysie du 3e ou du 6e nerf crânien).

L'hémorragie méningée est grave puisque en moyenne, un patient sur deux ayant une hémorragie méningée décède au cours du premier mois. Parmi les survivants, environ un sur trois garde des séquelles à long terme.

L'hémorragie méningée survient, en moyenne, le plus souvent entre 40 et 50 ans. Une hémorragie méningée peut cependant survenir à tout âge.

Dans les formes familiales, l'âge moyen de survenue d'une hémorragie méningée semble inférieur, entre 2 et 10 années de moins, comparativement à celui observé dans la population générale.

L'anévrysme peut être découvert au cours d'un examen (scanner cérébral, imagerie par résonance magnétique ou IRM cérébrale) en l'absence de tout symptôme, il s'agit d'un anévrysme dit « asymptomatique ».

Etiologie - Physiopathologie    

L'examen du sac anévrysmal montre que sa paroi est anormale et amincie. Les fibres élastiques normales de la paroi vasculaire et les cellules musculaires au centre la paroi normale (au niveau de la média) ont souvent disparu. Cet amincissement de la paroi du vaisseau explique sa fragilité et la rupture qui peut survenir en particulier lorsque le sac anévrysmal continue à augmenter de taille sous l'effet de la pression du sang dans l'artère. 

Cette fragilité au niveau de la paroi du vaisseau est variable au niveau des différents vaisseaux et varie en fonction de la pression du flux circulatoire qui n'est pas partout identique. C'est probablement ce qui explique que les anévrysmes sont localisés de façon préférentielle au niveau de certaines artères ou à leurs bifurcations. Les anévrysmes à la terminaison de l'artère carotide interne, au niveau de l'artère cérébrale moyenne et de l'artère cérébrale antérieure représentent ainsi environ 90% de l'ensemble des anévrysmes artériels intracrâniens. Environ 10% des anévrysmes sont bilatéraux.

Différents types d'anomalies de la paroi vasculaire favorisent l'apparition et la croissance de l'anévrysme artériel.

Au cours des formes familiales d'anévrysmes artériels intracrâniens, la découverte d'une maladie héréditaire associée est observée dans environ 15% des cas dans une grande étude réalisée en Finlande.

Il s'agit presque toujours d'une polykystose rénale familiale de type autosomique dominante (polycystic kidney disease) ou plus rarement de type autosomique récessive. Cette maladie est responsable de kystes au niveau des reins. La forme autosomique dominante est la maladie génétique rénale la plus fréquente (1 cas sur 2000 dans la population). Des anomalies de deux gènes sont responsables : PKD1 sur le chromosome 16 et PKD2 sur le chromosome 4. Les kystes rénaux peuvent être responsables d'une hypertension artérielle, de douleurs (liées surtout à l'augmentation du volume des reins), d'infections urinaires, plus rarement de calculs rénaux (lithiase urinaire). Le nombre de kystes augmente avec l'âge. La maladie peut être responsable d'une insuffisance rénale nécessitant une dialyse ou une transplantation dans 50% des cas. Les symptômes dus aux kystes au niveau d'autres organes sont moins fréquents (foie, pancréas.). Environ 10% des patients ayant une polykystose rénale ont aussi un anévrysme artériel intracrânien lorsqu'il est recherché, il s'agit dans plus de 80% des cas d'anévrysmes artériels de petite taille inferieurs à 6 mm de diamètre.

La découverte d'un anévrysme artériel au cours d'une maladie de la paroi vasculaire pourrait faire aussi suspecter une forme familiale d'anévrysmes. Cependant, ceci n'est pas encore suffisamment documenté actuellement.

Il s'agit :

  • du Syndrome d'Ehlers Danlos vasculaire qui est du à des mutations du gène COL3A1 sur le chromosome 2 (qui code pour le collagène 3, une grosse protéine assurant la solidité du collagène au sein de la paroi des vaisseaux et de différents organes). Cette maladie autosomique dominante rare (prévalence de 1 cas sur 10.000 à 20.000) est responsable d'une fragilité de la paroi artérielle à l'origine d'anévrysmes mais aussi de dissections ou de fistules artério-veineuses.  Les patients souffrant d'un syndrome d'Ehlers Danlos peuvent en particulier avoir plusieurs anévrysmes de très grande taille. La moitié des hémorragies intracrâniennes au cours de la maladie sont en rapport avec la rupture d'un anévrysme, soit environ 2% des patients souffrant de la maladie. D'autres signes ou symptômes peuvent être associés: hyper-élasticité cutanée, fragilité et transparence de la peau, ecchymoses, acrogérie, perforations intestinales, pneumothorax, rupture de la paroi de l'utérus à l'accouchement, et plus rarement luxations articulaires. Les manifestations cliniques de la maladie apparaissent dans 25% des cas avant l'âge de 20 ans, dans 80% des cas avant l'âge de 40 ans. Pour plus d'information concernant cette affection, il est possible de contacter le centre de référence des maladies vasculaires rares de l'Hôpital Européen Georges Pompidou (www.maladiesvasculairesrares.com).
  • de la dysplasie fibromusculaire qui est une maladie touchant les artères de calibre moyen, responsable d'une succession de sténoses (rétrécissements) et de dilatations (ectasies) des vaisseaux. La dysplasie fibromusculaire touche surtout les artères du rein, plus rarement les artères cervicales. En moyenne, environ 7% des sujets ayant une dysplasie fibromusculaire ont un anévrysme artériel. Les formes familiales de dysplasie fibromusculaires sont cependant rares, environ 5% des cas. L'association d'un anévrysme et d'une dysplasie fibromusculaire familiale est exceptionnelle (un cas rapporté).

Un anévrysme artériel a été associé à des maladies rares comme la neurofibromatose de type 1, le pseudoxanthome élastique ou la maladie de Marfan dans quelques observations de la littérature médicale. Cependant, ces associations pourraient n'être que fortuite en raison de la grande fréquence des anévrysmes artériels dans la population générale.

Seulement 3 cas d'hémorragie méningée en rapport avec un anévrysme artériel ont été décrits au cours de la maladie des os de verre secondaire à des mutations des gènes du collagène (Col1A1, col1A2).

La recherche d'une maladies héréditaire fragilisant la paroi du vaisseau reste le plus souvent totalement négative.

Diagnostic

Le diagnostic d'anévrysme artériel intracrânien nécessite la visualisation des artères du cerveau à l'aide d'une des techniques suivantes :

  • l'artériographie cérébrale qui est l'examen de référence, permet de détecter les anévrysmes de toute taille. Cet examen nécessite une piqûre artérielle pour l'injection d'un produit de contraste à l'intérieur des vaisseaux. Des clichés de toutes les artères cérébrales sont obtenus pour rechercher un ou de plusieurs anévrysmes. Cet examen permet aussi de traiter certains anévrysmes lors de l'hémorragie méningée (voir traitement).
  • l'imagerie par résonance magnétique  permet à la fois de visualiser l'état du cerveau et des méninges (enveloppes du cerveau) et d'observer avec une séquence appelée angiographie par résonance magnétique (ARM) les artères de gros et moyen calibre. Cet examen permet la détection des anévrysmes artériels dont la taille est supérieure à 3 mm de diamètre.
  • le scanner cérébral sans et avec injection (produit iodé de contraste) permet sur certains appareils (les plus récents) d'observer à la fois le cerveau, l'état des méninges et d'examiner les artères à l'aide de l'angio-scanner. Le seuil de détection des anévrysmes est aussi de 3 mm pour cet examen.

Lors de la rupture d'un anévrysme, le diagnostic d'hémorragie méningée est confirmé EN URGENCE par un scanner cérébral sans injection permettant de visualiser le sang autour du cerveau. Lorsque cet examen est normal (hémorragie méningée de faible abondance), une ponction lombaire est réalisée pour recueillir le liquide céphalorachidien qui contient du sang ou des dérivés du sang. La visualisation très détaillée de toutes les artères est nécessaire rapidement après la survenue d'une hémorragie méningée à l'aide d'une artériographie cérébrale. Cet examen permet à la fois de visualiser l'anévrysme responsable et de traiter la lésion (voir traitement ci-après).

 Dans les cas familiaux, lors de la survenue d'une hémorragie méningée, les anévrysmes sont plus fréquemment grands (supérieur à 10 mm de diamètre dans 40% des cas contre 20%) et multiples (plus de deux dans 25% des cas contre 10%) comparativement aux cas non-familiaux.

Prise en charge

Lors de la survenue d'une hémorragie méningée, l'objectif du traitement sera d'abord de supprimer la cause de l'hémorragie récente.

Pour cela, deux types de méthodes sont actuellement disponibles :

  • le traitement chirurgical de l'anévrysme qui consiste à poser un clip sur le collet du sac de l'anévrysme permet aussi d'évacuer le sang accumulé autour du cerveau. Ce traitement est réalisé par un neurochirurgien.
  • le traitement par voie endovasculaire consiste à déposer au niveau du sac de l'anévrysme un matériel provoquant une thrombose (formation d'un caillot) dans le sac de l'anévrysme qui n'est alors plus visible et qui va être exclu de la circulation. Ce traitement ne nécéssite pas l'ouverture du crâne, il est réalisé à l'aide d'une sonde introduite dans une artère de la jambe et dirigée vers l'artère porteuse de l'anévrysme. Ce traitement est réalisé par un neuroradiologue interventionnel.

Le choix du traitement, chirurgie, traitement par voie endovasculaire ou abstention de traitement est décidé, au cas par cas, en fonction de nombreux paramètres comme le risque du traitement, la forme de l'anévrysme, sa localisation, la présence d'autres anévrysmes, l'état général etc. Il nécessite souvent une discussion entre plusieurs spécialistes (neuroradiologues interventionnels, neurochirurgiens, anesthésistes).

Génétique

La fréquence des formes familiales d'anévrysme varie entre 5 à 20%.

Plusieurs modes de transmission ont été suggérés : autosomique dominant ou autosomique récessif et surtout un mode de type polygénique, non mendélien.

Aucun gène responsable n'a été encore identifié en dehors des formes survenant dans un cadre nosologique bien défini tel que la polykystose rénale familiale. Les données actuelles suggèrent que plusieurs gènes pourraient être impliqués. Certains ont été localisés au niveau des chromosomes 2, 7, 11, 14, 19, X mais ces données nécessitent d'être confirmées.

En l'absence d'histoire familiale, la fréquence de découverte d'un anévrysme chez les apparentés d'un patient ayant un anévrysme artériel intracrânien est en moyenne entre 1 et 2%, ce qui ne semble pas diffère de la fréquence des anévrysmes dans la population générale. Dans une étude récente, le risque d'hémorragie méningée pour un apparenté du premier degré est estimé entre 0,03% et 0,1% par année, ce risque est plus faible de moitié, pour un apparenté du deuxième degré.

En présence d'au moins deux membres d'une même famille ayant un anévrysme (anévrysme familial), la fréquence de découverte d'un anévrysme chez un apparenté du premier degré est d'environ 9% à 10%. Le risque de découverte d'un anévrysme        est ainsi multiplié par 4 environ, comparativement à la même recherche effectuée dans un cas sporadique.

En présence de deux cas au moins d'hémorragie méningée dans une famille, le risque de survenue d'une hémorragie méningée est estimé:

  • à 0,7% par année environ pour un individu dont deux apparentés du premier degré (frère, sour, père, mère) ont eu une hémorragie méningée
  • à 0,2% par année environ pour un individu dont un apparenté du premier de gré et un apparenté du second degré (oncle, tante, grand parents) au moins ont eu une hémorragie méningée
  • à 0,1% par année environ pour un individu dont deux apparentés du second degré (oncle, tante, grand parents) au moins ont eu une hémorragie méningée

Un examen non-traumatique (IRM avec ARM ou angioscanner) est parfois demandé par un apparenté en raison de la présence au sein de sa famille d'au moins deux cas d'anévrysmes artériels intracrâniens identifiés. Au cours d'une consultation spécialisée, un examen clinique et un interrogatoire permettent d'abord de vérifier l'absence de symptôme ou signe neurologique. L'intérêt et les risques de l'examen permettant de rechercher un anévrysme sont présentés au demandeur, la signification d'un résultat positif ou négatif et les possibilité thérapeutiques éventuelles avec leurs limites sont alors détaillées. L'examen sera réalisé avec le consentement du patient seulement après cette consultation.

Evolution pronostic

En l'absence d'hémorragie méningée, lorsque l'anévrysme est découvert par hasard ou lors d'une enquête familiale, en dehors de tout symptôme, la décision d'une intervention est discutée au cas par cas et dépend surtout du risque de saignement spontané. Ce risque est lié principalement à la taille de la lésion (le risque de saignement est extrêmement faible pour les tous petits anévrysmes, il augmente en fonction de la taille mesurée au cours de l'examen (angio-scanner, ARM ou artériographie cérébrale):

  • le risque serait inférieur à 0,04% par année lorsque l'anévrysme a un diamètre inférieur à 7 mm, ce risque est estimé à 0,5% par année entre 7 et 12 mm, à 3% par année entre 13 et 24 mm et à 8% par année au-delà de 25 mm de diamètre
  • la localisation semble aussi influencer le risque de rupture qui est un peu supérieur pour les anévrysmes au niveau des vaisseaux postérieurs

Certains facteurs sont associés à l'augmentation de taille ou la rupture des anévrysmes: l'âge, le tabac, la consommation d'alcool, l'hypertension artérielle

En dehors de la taille de l'anévrysme, différents facteurs peuvent augmenter le risque de rupture d'un anévrysme : la localisation de la lésion, l'âge, la consommation de tabac,  la prise d'alcool, l'hypertension artérielle.

Certaines études suggèrent que l'augmentation de la taille de l'anévrysme serait plus rapide dans les formes familiales d'anévrysmes artériels intracrâniens.