Angiopathies Cérébro-Rétiniennes liées aux gènes COL4A1 et COL4A2

Définition

Des mutations du gène COL4A1 peuvent être responsables d’affections de transmission autosomique dominante de spectre phénotypique très large. Les anomalies touchent principalement le cerveau, l’œil et le rein. Elles peuvent être symptomatiques ou totalement asymptomatiques, découvertes uniquement à l’examen clinique (fond d’œil) ou sur certains examens complémentaires (radiologiques ou biologiques). L’âge de début des manifestations cliniques est extrêmement variable allant de la période fœtale jusqu’à l’âge adulte après la cinquantaine.

Plus récemment, des mutations du gène COL4A2 ont été impliquées dans la survenue d’un tableau clinique encore mal connu mais semblant proche de celui des angiopathies cérébro-rétiniennes liées au gène COL4A1.

Epidémiologie

La prévalence de l’angiopathie liée à des anomalies du gène COL4A1 est inconnue. En 2014, environ 150 cas ont été rapportés. La fréquence de cette affection est probablement largement sous-estimée. Pour COL4A2 dont l’implication est beaucoup plus récente, les données sont encore plus limitées. Seuls 17 cas incluant 9 adultes ont été rapportés.

Description clinique et pronostic

1/ COL4A1

a) Les signes neurologiques :

L’hémiplégie infantile est l’un des phénotypes les plus fréquents. L’hémiplégie infantile est secondaire à un événement vasculaire cérébral périnatal (ischémique ou hémorragique). Dans les mutations COL4A1, l’hémiplégie infantile est habituellement diagnostiquée pendant les premiers mois de la vie devant un retard de développement moteur unilatéral associé à l’imagerie cérébrale (scanner ou IRM) à une porencéphalie ou une dilatation ventriculaire unilatérale. La porencéphalie est une cavité kystique du parenchyme cérébral, remplie de liquide céphalo-rachidien et communiquant avec le ventricule latéral. Chez les patients avec mutations COL4A1, il n’est pas encore bien établi si la porencéphalie est l’évolution kystique d’une séquelle d’hémorragie intracrânienne et quelle est la date précise de survenue de l’événement vasculaire aigu responsable.

Les principales autres manifestations périnatales sont des hémorragies intra-ventriculaires ou intracérébrales avec ou sans hydrocéphalie, un retard de croissance in utero ou une mort fœtale.

Des accidents vasculaires cérébraux (hémorragie intracérébrale, plus rarement accident ischémique transitoire ou infarctus cérébral) sont possibles chez l’adulte jeune porteurs de mutations COL4A1. La plupart des lésions vasculaires sont localisées dans les territoires profonds (noyaux gris centraux, substance blanche) et associées à une leucoencéphalopathie périventriculaire d’étendue variable et parfois à des microhémorragies et/ou des espaces péri-vasculaires dilatés (Virchow Robin) témoignant d’une microangiopathie cérébrale (Figure 2).

Des crampes musculaires avec élévation des CPK et des migraines avec aura ont été décrites dans certaines familles.

b) Les signes ophtalmologiques 

Les tortuosités artériolaires rétiniennes constituent un des principaux phénotypes oculaires de la maladie mais elles sont inconstantes. Il s’agit d’anomalies d’allongement des branches de l’artère centrale de la rétine limitées au réseau artériolaire (Figure 1). Elles peuvent se compliquer d’hémorragies rétiniennes responsables de pertes visuelles transitoires mais elles peuvent être totalement asymptomatiques découvertes uniquement à l’examen du fond d’œil. L’angiographie rétinienne n’est pas indispensable au diagnostic.

Les autres anomalies oculaires décrites sont les dysgénésies congénitales du segment antérieur de l’œil et en particulier de l’iris et la cornée (définit par la malformation d’Axenfeld-Rieger qui est une affection héréditaire cliniquement et génétiquement hétérogène), une cataracte congénitale ou post-traumatique, une excavation du nerf optique et une hypertension intra-oculaire.

c) Les anomalies rénales

L’atteinte rénale liée à des mutations COL4A1 se manifeste de façon variable par une hématurie macroscopique ou microscopique, une insuffisance rénale modérée et des kystes rénaux. La pression artérielle est habituellement normale chez ces patients. L’atteinte rénale est cependant inconstante et a été regroupée avec le phénotype vasculaire rétinien et cérébral sous l’acronyme HANAC (Hereditary Angiopathy, Nephropathy, Aneurysms, and muscle Cramps) dans 3 familles françaises avec des mutations COL4A1. Il n’est pas encore établi s’il existe une corrélation phénotype-génotype dans le syndrome d’HANAC.

Les autres manifestations cliniques décrites chez les patients porteurs de mutations COL4A1 sont des troubles du rythme cardiaque supraventriculaire, un phénomène de Raynaud et des kystes hépatiques.

d) Les anomalies radiologiques asymptomatiques

Certains patients avec mutations COL4A1 peuvent avoir une porencéphalie ou une dilatation ventriculaire unilatérale isolée asymptomatique. Des anévrismes intracrâniens asymptomatiques (concernant électivement les siphons carotidiens et le tronc basilaire) ont également été rapportés. De même certains patients peuvent avoir une leucoencéphalopathie asymptomatique avec des microhémorragies et/ou des espaces péri-vasculaires dilatés.

En raison de la découverte récente de cette association et du gène responsable, l’ensemble des symptômes et des signes de la maladie n’est pas encore connu.

2/ COL4A2

L’expression phénotypique des anomalies du gène COL4A2 est encore insuffisamment connue en raison du nombre faible de cas publiés mais elle semble proche de celle observée au cours des affections liées à COL4A1. A ce jour, COL4A2 a été impliqué dans une forme héréditaire de porencéphalie et chez un nombre limité de patients adultes ayant eu une hémorragie cérébrale.

Etiologie/physiopathologie

COL4A1 est un gène localisé sur le chromosome 13 qui code pour la sous unité alpha 1 du collagène de type 4, un constituant essentiel des membranes basales (enveloppes de certains constituants de l’organisme) de nombreux tissus dont l’endothélium vasculaire, l’épithélium de la cornée, la conjonctive de l’œil, les glomérules et les tubules rénaux. Une fragilité de la paroi vasculaire prédisposant à une rupture sous certaines conditions telles que les traumatismes (les chocs, la pratique de certains sports, la naissance par voie basse) ou la prise d’anticoagulants pourrait être un des mécanismes sous-jacents des hémorragies cérébrales ou rétiniennes. De même le développement des anévrysmes intracrâniens pourrait être secondaire à la fragilité de la matrice conjonctive de la paroi vasculaire. Les mécanismes de la leucoencéphalopathie et du développement des tortuosités artériolaires rétiniennes restent à déterminer. L’atteinte rénale a été associée à la présence d’anomalies des membranes basales des tubules et des capillaires péritubulaires avec préservation des membranes basales glomérulaires à la biopsie rénale. Chez la souris, les mutations du gène COL4A1 sont responsables d’hémorragies traumatiques au niveau du cerveau (en particulier à la naissance) et  d’anomalies de la paroi des vaisseaux.

COL4A2 code pour la sous unité alpha 2 du collagène de type 4 qui forme avec la sous-unité alpha 1 des hétérodimères ayant une fonction essentielle au niveau des membranes basales.

Diagnostic (critères-méthodes)

Les angiopathies avec mutation du gène COL4A1 sont héréditaires. Cependant, Il existe des cas apparaissant comme des cas sporadiques du fait de l’existence de mutations survenant de novo chez un patient dont aucun des 2 parents n’est porteur de la mutation. Le mode de transmission est autosomique dominant (atteinte de même fréquence des sujets de sexe masculin et féminin, 50% des enfants issus d’un sujet atteint ayant l’anomalie génétique).

Le diagnostic est le plus souvent évoqué devant une atteinte cérébrale ou rétinienne évocatrice.

L’atteinte cérébrale est le mieux visualisée en IRM. L’examen doit au minimum comprendre des séquences pondérées en T1, T2, FLAIR et écho de gradient.

Cet examen permet de rechercher les anomalies décrites au cours du syndrome :

  • lésions de la substance blanche cérébrale
  • cavités de taille variable
  • atrophie d’un hémisphère cérébral
  • séquelles d’hémorragies cérébrales ou traces de micro saignements

Le diagnostic de tortuosités artériolaires rétiniennes est réalisé au cours de l’examen du fond d’œil par un ophtalmologiste montrant des vaisseaux tortueux. Les photographies de la rétine (à l’aide d’un appareil appelé rétinographe) complété parfois par l’angiographie des vaisseaux de la rétine (injection d’un produit par une veine du bras pour mieux voir les vaisseaux) montrent que les branches de  l’artère centrale de la rétine (après la 2è ou 3è division) sont tortueuses. Ces anomalies sont limitées aux petites artères et peuvent être parfois associées à de petites hémorragies de la rétine.

En présence de tortuosités des vaisseaux rétiniens et/ou d’anomalies cérébrales évocatrices, la confirmation du diagnostic est moléculaire. La réalisation d’un test génétique montre des anomalies au niveau du gène COL4A1 codant pour une protéine du collagène, un constituant important de la paroi du vaisseau. En cas de négativité de ce test, l’extension de l’analyse génétique au gène COL4A2 est discutée.

La réalisation d’un diagnostic génétique est possible avant l’apparition des symptômes de la maladie. La réalisation d’un diagnostic génétique chez un apparenté asymptomatique et les possibilités de diagnostic prénatal et préimplantatoire peuvent être discutées au cours d’une consultation de conseil génétique.

Dans les familles au sein desquelles la maladie s’est manifestée, une demande de diagnostic prénatal est parfois exprimée. Le but du diagnostic prénatal est de déterminer au cours de la grossesse si l’enfant à naître est porteur de la mutation et développera donc la maladie à l’âge adulte (les parents pouvant dans ce cas demander une interruption médicale de grossesse). Le diagnostic prénatal se fait par prélèvement du liquide dans lequel baigne le fœtus (amniocentèse) ou d’un fragment de placenta (prélèvement des villosités choriales). Il est également possible d’effectuer un diagnostic préimplantatoire (DPI). Le DPI consiste à rechercher l’anomalie génétique responsable de la maladie sur des embryons obtenus par fécondation in vitro. Cette technique permet de sélectionner les embryons qui n’ont pas l’anomalie génétique pour les implanter dans l’utérus et éviter ainsi aux parents l’épreuve de l’interruption médicale de grossesse tardive. Ces démarches représentent un parcours long, nécessitant un accompagnement de la part de l’équipe soignante.

Prise en charge

Il n’existe pas, actuellement, de traitement spécifique de cette affection.

Après la survenue d’une hémorragie cérébrale, le traitement ne diffère pas du traitement de l’hémorragie cérébrale d’une autre origine.

Lorsque le diagnostic d’atteinte cérébrale associé à une mutation Col4A1 est certain, les facteurs pouvant favoriser une hémorragie cérébrale doivent être limités :

  • la prise d’un traitement anticoagulant doit toujours être discutée et surveillée étroitement
  • en raison du risque potentiel d’hémorragie cérébrale chez le nouveau né lors de l’accouchement, une césarienne pourrait être éventuellement discutée
  • après la survenue d’une hémorragie cérébrale, la pratique de sports violents ou l’effort physique intense ne sont pas recommandés

Il est habituellement recommandé d’éviter les facteurs favorisant les hémorragies rétiniennes : efforts physiques intenses (en particulier avec blocage respiratoire), activités avec risque important de traumatismes oculaires et craniens. Un examen ophtalmologique et l’examen répété du fond d’œil est nécessaire en cas d’hémorragies rétiniennes qui sont habituellement bénignes et responsables de troubles visuels régressifs.

Aucune donnée spécifique n’est disponible concernant le traitement des affections liées au gène COL4A2. Les proximités physiopathologiques et cliniques avec COL4A1 suggèrent que les mêmes précautions peuvent être conseillées.

Figure 1: Tortuosités artériolaires rétiniennes à prédominance péri-maculaire asymptomatiques découvertes sur des rétinographies et des angiographies rétiniennes d’une patiente de 47 ans porteuse d’une mutation COL4A1.

Figure 2: Imagerie cérébrale d’une fratrie de 4 sujets tous porteurs de la même mutation COL4A1.
En A et B, patient de 35 ans ayant comme antécédent une hémiplégie infantile avec une porencéphalie et une leucoencéphalopathie périventriculaire diffuse en FLAIR (A) et Echo de gradient (B). En C et D, patient de 33 ans ayant des anomalies asymptomatiques : dilatation des espaces périvasculaires en T1 (C) et leucoencéphalopathie périventriculaire à prédominance postérieure en T2 (D). En E et F : patiente de 47 ans avec comme seul antécédent une migraine avec aura et des anomalies asymptomatiques : dilatation des espaces périvasculaires en T2 (E) et leucoencéphalopathie périventriculaire en FLAIR (F). En G et H : présence de quelques discrètes dilatations des espaces périvasculaires en T1 lors d’un examen systématique à 36 ans, décès du patient à 40 ans d’un volumineux hématome profond sous traitement par anticoagulant oral pour une thrombose veineuse.